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Highline et escalade au Piton des Neiges

Dans la semi-obscurité d’un sentier de montagne éclairé par les astres de l’hémisphère sud, trois petites loupiotes se hissent lentement sur le toit de l’océan Indien.

Immergés dans la fraîcheur humide de cette nuit d’hiver austral, nous sommes trois compagnons, Max, Clem et Nico, disparaissant les uns et les autres sous un sac à dos monstrueux, en train de gravir les 1700 mètres de dénivelé reliant le cirque de Cilaos et le sommet du Piton des Neiges. Le projet : rester trois jours là-haut pour relier l’esthétique pic rocheux du Dyke Rouge et l’arrête du Grand Dyke avec une sangle polyester, puis se convertir en funambules du ciel et tenter la traversée vertigineuse en équilibre.

Sur le sommet de ce volcan endormi, pas de végétation ni d’eau. Nous sommes peut-être plus proches de Mars que de la terre et il nous faut monter le ravitaillement ainsi que le matériel technique dédié à la réalisation de notre installation : sangles, cordes semi-statiques, élingues, tamponnoir, points d’ancrages, connecteurs aciers…etc. La longue liste a été minutieusement préparée les jours précédents, les repérages ayant été effectués depuis de nombreux mois. En l’espace de deux ans, c’est la huitième fois que Max monte là-haut. 

Notre respiration haletante crée des nuages d’humidité qui se transforment en esprits éphémères guidant nos pas sous l’éclairage de notre lampe frontale. Les quadriceps malmenés et les épaules cisaillées endurent l’effort tant bien que mal. Une fois arrivé sur le col sommital, les difficultés ne sont pas encore finies puisqu’il nous faut encore descendre un pierrier très raide, passer une barre rocheuse en effectuant un rappel de 10 mètres pour atteindre notre espace de bivouac. Déstabilisés par les sacs, le pierrier durci par la gelée nocturne est la cause de beaux dérapages et d’avalanches de jurons bien inspirés.

Une fois la tente installée, enveloppés dans la chaleur de vêtements secs, nous réalisons  que nous sommes perchés à 3000 mètres d’altitude, entre les cirques mythiques de Cilaos et Salazie. Blottis contre les rochers pour nous protéger du vent, la fiole de rhum passe de mains en mains, les plaisanteries fusent, les affres de la montée sont déjà oubliées et dans nos yeux brille le bonheur d’être entre copains.

Si le Piton des Neiges est en quelque sorte la Montagne-Mère de la Réunion, à l’origine de l’apparition de l’île au-dessus des flots, ses dykes sont les gardiens de son imposante intégrité. Ils sont composés d’une forme de roche particulièrement compacte qui correspond aux dernières remontées magmatiques avant l’extinction du volcan. Et c’est ce type de rocher spécifique qui va nous permettre de réaliser notre projet.

Le lendemain, nous nous levons sous un ciel dégagé, idéal pour mettre en place la ligne. Pendant que Clem et Max s’occupent de percer au tamponnoir deux points sur le grand Dyke, Nico se charge de scotcher la sangle à une corde semi-statique qui servira de back-up. Ensuite, il lui faut lancer le tout dans le pierrier 100 mètres en contre-bas afin de créer, à pied, la liaison avec le socle du
Dyke rouge. Le perçage de deux points de 10 millimètres nous prend presque une heure et demie tant la roche est dure !

Nico sur la fin de l’installation de la highline

Ensuite, Clem rejoint Nico en contrebas du dyke Rouge. Il nous faut gravir trois petites longueurs d’escalade, dans une difficulté modeste, mais engagée, afin d’arriver au sommet. À chaque relais, la sangle et le back-up est hissée vers les grimpeurs. Lentement la ligne prend forme et une fine de liaison de textile secouée par les vents apparaît. À 100 mètres au-dessus de nous, les randonneurs matinaux qui se rendent au sommet du Piton des Neiges peuvent nous apercevoir et se demandent ce que nous sommes en train de faire… Beaucoup plus bas, la lumière du soleil commence à rentrer dans le cirque de Cilaos, éclairant d’abord le majestueux rempart du Grand Bénard, puis les parcelles de lentilles d’Ilet-á-Corde et enfin la ville même de Cilaos qui s’étale sur un plateau naturel, sorte d’îlot d’horizontalité dans un fantastique chaos de ravines, de pitons, de canyons et de forêts.

Camp de base du Lady Dyke

Arrivés au sommet du Dyke Rouge, Nico et Clem entourent le pic rocheux, y mettent en place une grande élingue, bien protégée contre les frottements, qui servira de point d’ancrage. Ils y attachent la sangle principale et le back-up puis redescendent en rappel dans le pierrier. Pendant ce temps, Max s’occupe de l’ancrage côté Grand Dyke : il fixe son côté de la sangle sur les points tout juste percés au tamponnoir et commence à mettre la tension dans le système à l’aide de poulies. En highline, les tensions constantes sont rarement aussi importantes qu’au sol. Ainsi, même pour une ligne de cette longueur, estimée à 80 mètres, une personne seule aidée d’un simple renvoi à la poulie peut générer assez de force pour permettre à quelqu’un de marcher dessus sans que la pente de la ligne ne soit trop importante.

L’installation est maintenant tendue, parfaitement droite, toutes les vérifications sont faites et nous piaffons d’impatience. Le moment de consécration ne tarde pas à arriver. Il s’agit d’abord de s’avancer assis sur la ligne, tranquillement, et d’apprivoiser ce décor sous cet angle unique. Juste sous la ligne, le pierrier raide semble se jeter telle une cascade de pierre 2000 mètres plus bas dans le cirque de Cilaos.

Le pouls s’accélère et quelques images catastrophiques traversent l’esprit de l’être qui se risque sur la ligne. Une bonne technique consiste à fermer les yeux et s’imprégner de l’environnement par des techniques de visualisation. Se concentrer, respirer et jeter un nouveau coup d’œil sur son solide nœud d’encordement aident à retrouver son calme. Une fois le corps et l’esprit parfaitement détendus, le funambule se redresse alors, debout sur la highline. Dans son esprit, tout explose et se rétrécit à la fois. La ligne devient un cheval fou qui se cabre violement. Il est urgent de respirer, de trouver ses appuis sur l’air, le meilleur allié du highliner. Le vent s’infiltre dans son corps, repoussant toute idée de la mort. Quelques pas, et le corps commence à comprendre la ligne, le buste se stabilise et les jambes s’habituent à la tension et l’élasticité. Dans la tête, c’est la recherche d’un état méditatif qui prédomine : concentration sur  le moment présent et éloignement des pensées parasites. Mais les difficultés techniques d’une telle ligne, dans un cadre aussi saisissant, rendent difficile de maintenir ce niveau de concentration pendant les nombreuses minutes nécessaires à la traversée de la ligne dans son intégralité. Et fatalement survient la chute ! Sensation grisante, et souvent ponctuée par les acclamations des amis et observateurs, tomber de 3 ou 4 mètres dans son leash, réaliser une pirouette et rebondir quelques fois fait définitivement partie de la discipline. L’accepter permet de se surpasser. 

Chacun son tour, nous allons défier la gravité, déjà fiers d’avoir ouvert cette ligne, les performances sportives importent peu. En fin de journée, une mer de nuage recouvre entièrement l’île ne laissant dépasser que les sommets au-dessus de 2700 mètres. Le spectacle est époustouflant, nous sommes totalement coupés du reste de l’Île. Nous dansons au-dessus d’un océan blanc qui rougeoie sous les ultimes rayons du soleil.

Le soir, les amis nous rejoignent et nous sommes une petite dizaine de poussières d’étoiles à festoyer isolés au creux des dykes. Lorsque nous échangeons un regard, nous pouvons y voir briller la satisfaction mutuelle d’un beau projet réalisé, d’une installation rondement menée grâce à un esprit d’équipe idéal qui a bien fonctionné. Cela signe de bons augures pour les nouvelles aventures que nous commencerons dans quelques mois tout en créant un socle solide de confiance mutuelle afin de s’encorder sereinement pour le projet Bat’karé en Roue et en Cordée.

La vidéo de l’expédition

Caroline Minvielle

MONITRICE D’ESCALADE ET DE CANYONING (DE)


Grimpeuse passionnée, j’ai officiellement commencé l’escalade à l’âge de 6 ans. L’extérieur et le minéral correspondent à mes aspirations ultimes. Le terrain de jeu y est infini et le rocher a toujours de nouvelles subtilités à soumettre et énigmes à décoder. Je pratique l’escalade en extérieur sous toutes ses formes à un niveau soutenu : du bloc à la grande voie en terrain d’aventure.

Côté canyon, mon père, Pierre Minvielle, m’y a initié très jeune autour de Rodellar, lieu de ses plus belles explorations. Il m’a donné le goût de l’aventure et de la découverte et surtout transmis son amour pour la Sierra de Guara.

Ingénieur de formation, j’ai décidé de m’aventurer dans le monde de l’enseignement et de la transmission de connaissances en devenant monitrice d’escalade et canyon afin de pouvoir partager cette passion qui m’anime et aider ceux qui le souhaitent à atteindre leurs rêves.

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Maxime Poirier

MONITEUR D’ESCALADE ET DE CANYONING (DE)


J’ai grandi loin des montagnes, sur une île au milieu du Pacifique et si mes premières ascensions étaient celles de cocotiers, je suis devenu passionné par l’escalade lors de mon retour en métropole. Touche à tout, globe-trotter et passionné par les activités outdoors sur tous les éléments, je suis devenu adepte de sports à sensations comme la highline, le base-jump et le canyoning.

Pour moi la montagne et ces activités nous restituent cette capacité d’admiration et d’émerveillement que peut si facilement évacuer l’existence moderne. Vivre pleinement le bonheur de l’instant, le renoncement à vivre pour demain parce qu’aujourd’hui suffit.

Ma rencontre avec Caro aura finalement scellé mon destin, me voici grimpeur, amoureux du Vercors et de la Sierra de Guara, prêt à partager ma passion avec ceux qui le souhaitent.

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